Aujourd'hui, perdu au Cambodge, entre le ciel bleu et la poussiere rouge... A moto, rouler sur les pistes sous un soleil de plomb. Dans un village au milieu de nulle part, etre invite par un groupe a boire de la biere, a se marrer, a se photographier faisant des grimaces, comparer ses GSM, montrer mes tattoos... Decouvrir des singes et jouer avec eux, se faire chercher les pous, partager une banane, se faire voler les lunettes... Manger un plat non identifie dans une cahutte paumee, boire un cafe glace, se reposer a l'ombre... Suer rouge tellement on est couvert de poussiere et de terre, rouler sans trop savoir ou on va tomber, decouvrir en rentrant que ses fringues sont devenus oranges... Surprendre au detour d'un croisement un groupe des cochons se rouler dans la boue, eviter quelques poules qui traversent en courant presque sous vos roues, sourire a n'importe qui et recevoir un sourire en retour, entendre un "hello" sans vraiment pouvoir en identifer la source...
 
Hier matin, je prends un petit dejeuner assez matinal dans un petit etablissement qui sert d'excellent shakes a la banane. Leve tot, j'ai quelques heures avant de sauter dans le bus qui va me trainer jusque Banlung, plus au nord, vers la frontiere du Laos.
Alors que j'ingurgite d'excellents hashbrowns dans un bon pain frais, arrose de moutarde, mon regard est attire par une cage dans le fond de la salle. Dans cette minuscule cage, une petite creature semble bouger, titubant quelque peu. Forcant la vue, je decouvre que c'est un petit singe qui doit avoir a peine un mois. Il est tout maigre, et semble sedebattre pour deja tenir sur ses jambes. Une jeune fille debarque de derriere le comptoir, et lui tend une banane, que le petit singe grignotte peniblement a travers les barreaux... Le petit animal partage sa cage avec un genre de peruche qui semble ne pas faire attention a lui. Bien-sur, quand on est en Asie, on imagine toutes sortes de choses pour cet animal en cage. D'avance, je sais ce qui pourrait lui arriver, c'est a dire fumer des cigarettes ou danser sur les tables pour amuser les touristes peu scrupuleux... Je tente donc d'en savoir plus.

Questionnant le jeune serveur qui parle tres bien anglais, j'apprend que ce bebe singe doit avoir environ 15 jours, et il a ete trouve dans la province de Ratakiri (tout pres de l'endroit ou je me rend plus tard), a cote de sa maman morte... Il aurait donc ete traine jusqu'ici pour etre mis a l'abri des braconniers et des chasseurs qui n'hesitent pas a tuer ou capturer de jeunes animaux pour leurs viande ou pour les vendre comme animaux de compagnie. C'est un probleme tres frequent et de grande importance au Cambodge, mais est-ce la justification pour le garder dans cette cage microscopique? Le bebe singe aurait donc, selon lui, ete ramene ici pour etre mis en securite dans cette cage, a l'ecart du braconnage, et appartiendrait a une fille qui travaille au restaurant. Les explications semblent un peu floues et confuses, et je ne comprend pas pourquoi ce singe est ici alors qu'il devrait etre soigne par un veterinaire ou rendu a un centre de rehabilitation pour animaux sauvages. Qui plus est, la chose troublante est qu'il y a un sanctuaire pour animaux sauvage a Banlung, a deux pas de l'endroit ou on l'aurait trouve, et qu'il aurait ete plus logique de l'amener directement la-bas pour etre pris en charge... Plus j'ecoute le jeune serveur, plus les choses sont confuses... Apres avoir un peu discutte, la cage du bebe est ouverte, et il sort pour "gambader" un peu entre les tables du restaurant. Il tient a peine debout, et semble stresse par le bruit alentour. Je tente de l'attraper alors qu'il passe pres de moi, et il se met a crier un peu plus fort... Sentant que le petit singe a besoin de calme, je le tiens contre moi, le prennant contre ma poitrine, et il se tait directement, pour finalement s'endornir apres une ou deux minutes. Il est tres fatigue, et dors maintenant a poings fermes. Que faire?...

Je decide de parler a la proprietaire, et de negocier la liberation du singe. Je ne peux pas et ne veux pas le garder, mais je peux probablement le ramener vers un centre qui saura que faire. Par ailleurs, il a besoin d'un veterinaire, ayant une petite infection aux yeux... Je demande donc a parler a la proprietaire, qui daigne se montrer apres insistance de ma part. Une nouvelle fois, j'ai droit a des explication qui deviennent de plus en plus vagues et illogiques. Que veulent-ils vraiment faire de ce singe? J'insistepourtant, expliquant mon point de vue avec motivation.

C'est alors que se passe une chose tout a fait inattendue. Le jeune serveur, assis a quelques metres de la, ecoutant bien-sur la discussion qui prenait le tournure d'une negociation difficile, intervient. Ainsi, pendant environ 201 minutes, j'ai droit a la veritable version de cette histoire, a laquelle rien ne pouvait me preparer. En effet, le jeune homme m'explique enfin que le bebe singe n'est pas la pour rien. Il m'explique qu'il connqit tres bien le centre pour animaux de Banlung, et que ce centre est simplement comme tous les autres au Cambodge, c'est a dire bidon... Le personnel du centre reccueille quelques animaux assez forts pour survivre seuls, fait croire aux touristes qu'il s'en occupe reellement, mais ne fait que recolter les donation et subventions pour se les caler dans la poche. Il le connait tres bien, il l'a vu. Il explique ensuite que c'est la meme histoire avec les dauphins de l'Irawaddy, espece en voie de disparition imminante, et que le gourvernement ne fait en pratique rien pour s'en occuper. La seule chose qui est vraiment la, c'est le guichet ou les visiteurs payent 9$ par tete de pipe, mais aucune infrastructure ou programme reel pour les sauver. Il explique ensuite que les residents locaux n'en 'ont pour la plupart rien a faire des animaux ou de l'ecosysteme, et qu'ils coupent allegrement tous les arbresde la foret, et vendent les animaux aux voisins vietnamiens ou thais pour une bouchee de pain. On peut se procurer un bebe tigre pour 50$... Il dit egalement que quand il etait plus jeune, des elephants sauvages passaient encore a proximite de Kratie, mais qu'ils ont pour la plupart ete vendus en Thailande pour les "Elephant Ride Trekking"... Maintenant, plus un seul elephant sauvage n'est visible dans toute la region. Si l'on veut participer a un trkking dans la jungle pour entrevoir les animaux, on peut tout au plus apercevoir quelques araignees ou des serpents... L'ensemble des autorites et des villageoois ne font vraiment attention qu'au fric, et sont insensible aux vrais problemes de la nature qui disparait au Cambodge.
Au fur et a mesure qu'il m'explique tout cela, je commence a comprendre ou il veut en venir avec le singe... J'ai peine a imagine qu'un animal de ce genre soit plus en securite dans une cage, qu'entre les mains de specialistes ou dans son habitat naturel. Ainsi, ils ont reccueilli ce bebe singe, pour s'en occuper avec attention, le baigner, le nourrir du lait et de l'alimentation specifique, lui donner les medicament qu'un veterinaire leur a effectivement prescrit, et attendre qu'il soit assez fort pour le rendre a un zoo ou a un sancturaire (!!!). Mais pas avant.

En fait, le  jeune serveur s'excuse ensuite de m'avoir raconte tout cela, et me dit qu'il n'aime pas dire du mal de son pays, mais que les choses sont ainsi. Il est tres amer... Selon lui, le Cambodge est un merveilleux pays a voir de l'exterieur, mais des qu'on en gratte la surface, on peut trouver autant de choses tristes et deroutantes. Il comprend mon envie de faire le bien pour le bebe singe, mais me garanti que si je l'emmene a Banlung pour le donner au sanctuaire, il ne tiendra pas une semaine... D'apres la motivation et la certitude avec laquelle il me raconte tout cela, je peux juger de sa sincerite, est n'etre que desole... Je lui donne cependant un dollar pour qu'il puisse acheter de la nourriture pour le singe, et retourne attendre mon bus pour Banlung.

Je passerai, si je peux, voir le centre pour animaux sauvage, et jugerai de moi meme. Le serveur m'a dit que si les choses avaient change, je devait revenir le trouver pour le lui dire... Avec quel interet on peut parfois traverser le mirroir pour regarder comment c'est derriere. On provoque ceraines fois cette rencontre, ou elle se presente d'autres fois a nous sans prevenir. C'est ce qui c'est passe hier matin, A Kratie.