Hier matin, je prends un petit dejeuner assez matinal dans un petit etablissement qui sert d'excellent shakes a la banane. Leve tot, j'ai quelques heures avant de sauter dans le bus qui va me trainer jusque Banlung, plus au nord, vers la frontiere du Laos.
Alors que j'ingurgite d'excellents hashbrowns dans un bon pain frais, arrose de moutarde, mon regard est attire par une cage dans le fond de la salle. Dans cette minuscule cage, une petite creature semble bouger, titubant quelque peu. Forcant la vue, je decouvre que c'est un petit singe qui doit avoir a peine un mois. Il est tout maigre, et semble sedebattre pour deja tenir sur ses jambes. Une jeune fille debarque de derriere le comptoir, et lui tend une banane, que le petit singe grignotte peniblement a travers les barreaux... Le petit animal partage sa cage avec un genre de peruche qui semble ne pas faire attention a lui. Bien-sur, quand on est en Asie, on imagine toutes sortes de choses pour cet animal en cage. D'avance, je sais ce qui pourrait lui arriver, c'est a dire fumer des cigarettes ou danser sur les tables pour amuser les touristes peu scrupuleux... Je tente donc d'en savoir plus.

Questionnant le jeune serveur qui parle tres bien anglais, j'apprend que ce bebe singe doit avoir environ 15 jours, et il a ete trouve dans la province de Ratakiri (tout pres de l'endroit ou je me rend plus tard), a cote de sa maman morte... Il aurait donc ete traine jusqu'ici pour etre mis a l'abri des braconniers et des chasseurs qui n'hesitent pas a tuer ou capturer de jeunes animaux pour leurs viande ou pour les vendre comme animaux de compagnie. C'est un probleme tres frequent et de grande importance au Cambodge, mais est-ce la justification pour le garder dans cette cage microscopique? Le bebe singe aurait donc, selon lui, ete ramene ici pour etre mis en securite dans cette cage, a l'ecart du braconnage, et appartiendrait a une fille qui travaille au restaurant. Les explications semblent un peu floues et confuses, et je ne comprend pas pourquoi ce singe est ici alors qu'il devrait etre soigne par un veterinaire ou rendu a un centre de rehabilitation pour animaux sauvages. Qui plus est, la chose troublante est qu'il y a un sanctuaire pour animaux sauvage a Banlung, a deux pas de l'endroit ou on l'aurait trouve, et qu'il aurait ete plus logique de l'amener directement la-bas pour etre pris en charge... Plus j'ecoute le jeune serveur, plus les choses sont confuses... Apres avoir un peu discutte, la cage du bebe est ouverte, et il sort pour "gambader" un peu entre les tables du restaurant. Il tient a peine debout, et semble stresse par le bruit alentour. Je tente de l'attraper alors qu'il passe pres de moi, et il se met a crier un peu plus fort... Sentant que le petit singe a besoin de calme, je le tiens contre moi, le prennant contre ma poitrine, et il se tait directement, pour finalement s'endornir apres une ou deux minutes. Il est tres fatigue, et dors maintenant a poings fermes. Que faire?...

Je decide de parler a la proprietaire, et de negocier la liberation du singe. Je ne peux pas et ne veux pas le garder, mais je peux probablement le ramener vers un centre qui saura que faire. Par ailleurs, il a besoin d'un veterinaire, ayant une petite infection aux yeux... Je demande donc a parler a la proprietaire, qui daigne se montrer apres insistance de ma part. Une nouvelle fois, j'ai droit a des explication qui deviennent de plus en plus vagues et illogiques. Que veulent-ils vraiment faire de ce singe? J'insistepourtant, expliquant mon point de vue avec motivation.

C'est alors que se passe une chose tout a fait inattendue. Le jeune serveur, assis a quelques metres de la, ecoutant bien-sur la discussion qui prenait le tournure d'une negociation difficile, intervient. Ainsi, pendant environ 201 minutes, j'ai droit a la veritable version de cette histoire, a laquelle rien ne pouvait me preparer. En effet, le jeune homme m'explique enfin que le bebe singe n'est pas la pour rien. Il m'explique qu'il connqit tres bien le centre pour animaux de Banlung, et que ce centre est simplement comme tous les autres au Cambodge, c'est a dire bidon... Le personnel du centre reccueille quelques animaux assez forts pour survivre seuls, fait croire aux touristes qu'il s'en occupe reellement, mais ne fait que recolter les donation et subventions pour se les caler dans la poche. Il le connait tres bien, il l'a vu. Il explique ensuite que c'est la meme histoire avec les dauphins de l'Irawaddy, espece en voie de disparition imminante, et que le gourvernement ne fait en pratique rien pour s'en occuper. La seule chose qui est vraiment la, c'est le guichet ou les visiteurs payent 9$ par tete de pipe, mais aucune infrastructure ou programme reel pour les sauver. Il explique ensuite que les residents locaux n'en 'ont pour la plupart rien a faire des animaux ou de l'ecosysteme, et qu'ils coupent allegrement tous les arbresde la foret, et vendent les animaux aux voisins vietnamiens ou thais pour une bouchee de pain. On peut se procurer un bebe tigre pour 50$... Il dit egalement que quand il etait plus jeune, des elephants sauvages passaient encore a proximite de Kratie, mais qu'ils ont pour la plupart ete vendus en Thailande pour les "Elephant Ride Trekking"... Maintenant, plus un seul elephant sauvage n'est visible dans toute la region. Si l'on veut participer a un trkking dans la jungle pour entrevoir les animaux, on peut tout au plus apercevoir quelques araignees ou des serpents... L'ensemble des autorites et des villageoois ne font vraiment attention qu'au fric, et sont insensible aux vrais problemes de la nature qui disparait au Cambodge.
Au fur et a mesure qu'il m'explique tout cela, je commence a comprendre ou il veut en venir avec le singe... J'ai peine a imagine qu'un animal de ce genre soit plus en securite dans une cage, qu'entre les mains de specialistes ou dans son habitat naturel. Ainsi, ils ont reccueilli ce bebe singe, pour s'en occuper avec attention, le baigner, le nourrir du lait et de l'alimentation specifique, lui donner les medicament qu'un veterinaire leur a effectivement prescrit, et attendre qu'il soit assez fort pour le rendre a un zoo ou a un sancturaire (!!!). Mais pas avant.

En fait, le  jeune serveur s'excuse ensuite de m'avoir raconte tout cela, et me dit qu'il n'aime pas dire du mal de son pays, mais que les choses sont ainsi. Il est tres amer... Selon lui, le Cambodge est un merveilleux pays a voir de l'exterieur, mais des qu'on en gratte la surface, on peut trouver autant de choses tristes et deroutantes. Il comprend mon envie de faire le bien pour le bebe singe, mais me garanti que si je l'emmene a Banlung pour le donner au sanctuaire, il ne tiendra pas une semaine... D'apres la motivation et la certitude avec laquelle il me raconte tout cela, je peux juger de sa sincerite, est n'etre que desole... Je lui donne cependant un dollar pour qu'il puisse acheter de la nourriture pour le singe, et retourne attendre mon bus pour Banlung.

Je passerai, si je peux, voir le centre pour animaux sauvage, et jugerai de moi meme. Le serveur m'a dit que si les choses avaient change, je devait revenir le trouver pour le lui dire... Avec quel interet on peut parfois traverser le mirroir pour regarder comment c'est derriere. On provoque ceraines fois cette rencontre, ou elle se presente d'autres fois a nous sans prevenir. C'est ce qui c'est passe hier matin, A Kratie.
 
Vutha nous accoste alors que nous sommes coince a Kompong Cham, dans l'attente d'un bus... Il est environ 13h, et nous avons quitte Siem Riep le matin du 24 vers 6h. Avec trois autres voyageurs, cela fait a peu pres 3 heures que nous guettons la correspondance pour Kratie, qui aurait du arriver vers 10h30. Il fait tres tres chaud comme souvent ces jours-ci, et Vutha nous propose a boire et a grignotter quelques graines de fleurs de lotus. Il attend egalement le bus, avec une patience infinie, pour se rendre au mariage de son amie dans un village proche de Kratie, le lendemain. Comme de coutume avec les Khmers, Vutha fait preuve d'une immense curiosite a notre egard, et nous pose mille question dans un anglais etonnament bon. Pour sa part, ce jeune khmer d'environ 25 ans etudie a Siem Riep et loge chez son frere. Pour financer ses etudes de gestion, il bosse comme moto taxi aussi souvent que possible, ce qui lui impose de tres longues journees. Il n'a pas une minute de libre habituellement... Alors que nous discuttons, il semble nous momtrer beaucoup d'affection. Apres quelques minutes, il nous propose meme de le rejoindre le lendemain au mariage de sa copine... Experience a ne pas manquer; un mariage traditionnel Khmer... Sans hesitation, j'accepte, avec une autre des voyageuses.

Nous avons donc rendez-vous le jour suivant, a 16h, pour prendre un petit bateau qui traversera le Mekong et nous amenera a l'embarcadaire du petit village ou se tient la ceremonie. Il fait tres chaud, et l'idee de devoir m'habiller un minimum pour l'occasion ne m'enchante guere... Alors que je supporte a eine un cinglet, je  choisis pourtant d'enfiler mon jeans et ma chem,ise a fleur orange, superbe achat a Bangkok. Arrive au bateau, je suis deja trempe de sueur. Le bateau quitte Kratie et apres une trentaine de minute de navigation nous largue a l'endroit prevu, sur l'aurtre rive. Me voila alors propulse dans la 4eme dimension, tous les regards braques sur nous, et les rires se multipliant sur notre passage... Nous avancons entre les nombreuses tables et Vutha nous retrouve finalement (sans trop de peine je dois dire...) Nous marchons entre les tables, environ une grosse vingtaine de 8 places chacune, pour nous diriger vers une des deux maisons mitoyennes, dans lesquelles les festivites semble aller bon train egalement. Les deux habitations, tout en bois, sur pilotis, construction traditionnelle, sont decores de tissus colores, et celle de gauche cache les jeunes maries... Nous grimpons les marches, sous les yeux ebaillis d'une centaine de personnes, pour decouvrir a l'interieur de celle-ci une armee de ventilateurs braques sur le jeune couple. Dans la brise salvatrice, nous sommes presentes aux maries et avons le grand honneur de serrer la main de monsieur et de complimenter madame. Tous deux portent une tenue traditionnelle, doree et finement brodees (un peu kitsch malgre tout), et font apparition pour etre photographies quand des visiteurs enterent dans la maison. La famille du marie compte 11 freres et soeurs, ce qui est normal pour le Cambodge, et nous assistons a la photo de famille. Une vraie petite equipe de foot... Apres cette sceance photo, a laquelle nous serons egalement convies, nous nous rendons a la seconde maison pour etre presentes au proprietaire des lieux, qui semble etre egalement l'oncle de la jeune epouse. Le monsieur a plus de 60 ans, et il est infiniment honore de nous recevoir. Il nous fait assoir a la meilleure place, nous offre les boissons, branche les ventilateurs oriente specialement vers nous... Il est avide de discussion, et Vutha traduit tout ce qu'il nous raconte, de la guerre avec la Khmer Rouges, a la description de sa maison, en passant par sa nimuscule connaissance de la langue francaise... Il est tres touchant, et tellement sympathique que je ne peux que l'adorer... Alors que la maison, entierement ouverte sur l'exterieur, voit passer de nombreuses personnes qui se changent ou qui viennent nous voir, le vieux monsieur nous demande de l'appeler "Papa"... Il est si doux et paternel que nous ne pouvons refuser... pour la soiree, au moins, ce sera Papa.

Apres une longue heure et demie de discussion et de rires, de politesses et de courbettes, viola enfin le moment de se rafraichir et de manger. Nous nous installons a une table ou un groupe de khmer est deja occupe a rigoler. C'est eux qui nous font signe de les rejoindre, nous n'hesitons pas. des que la table est au complet, c'est a dire 8 personnes, des erveurs apportent les boissons et la nourriture. C'est une veritable pluie de biere, et une avalanche de plats qui s'abat sur la table. Impossible de tout decrire, il y en a trop; boeuf marine aux legumes, salade de soja et pieds de poulets, soupe de poissons aux herbes, tonnes de riz... Pour les boissons, c'est de la biere. Simple mais efficace. en effet, au cours du repas, on ne boit JAMAIS seul. Il est donc de rigueur de trinquer et de porter un toast, et si quelqu'un boit, tout le monde boit. Ce qui signifie qu'on leve son verre toute les deux minutes environ. Verre qui ne se vide JAMAIS d'ailleurs... comme par magie, il est toujours rempli a raz bor de biere et de glace, largement aide par un voisin qui veux que vous passiez une bonne soiree. Au debut, nous rigolons poliment avec les Khmers assis avec nous, a la fin du repas ce sont des eclats de rires trempes de biere qui retentissent de tous les cotes sans probleme de comprehension aucun. Papa, assis a la table voisine, vient toutes les 5 minutes nous gratifier d'un bisous ou d'un petite "Tete a Tete" (Laurent me comprendra) qui signifie chez les Khmers "je suis heureux d'etre avec toi". C'est vraiment sympa! Facile de briser la glace avec quelques grammes d'alcool dans le sang...
Puis le repas touche a sa fin, et c'est l'heure de danser. Me voila trainer litteralement sur la piste de danse. Sous les applaudissements, les rires, les regards eberlues, ou les moqueries bruyantes, nous sommes l'attraction principale de la soiree. Les quelques pas de danse directement importes de mon Grenoble natal font grosse impression. Entre danse traditionnelle et petits dehanchements marrants, nous rigolons comme des baleines...

Mais l'heure tourne et nous devons reprendre la bateau pour regagner nos hotels respectifs. Cést donc de force, en luttant contre les gens qui nous retiennent pour une derniere danse, que nous quittons le groupe, et reprenons l'embarcation sous les etoiles, pour aller cuver la biere accumulee dans nos veines... Une excellente soire, une nourriture sans comparaison, une ambiance de folie, et une decouverte inesperee...