Pakse, le 8 mai... Cela fait maintenant 3 jours que je suis ici. Je partage une chambre avec mes trois hippies russes. Nous tentons de ne pas nous faire reperer, car le mec a l'accueil de l'hotel nous a dit que la chambre etait pour deux personnes maximum. Mais nous avons une strategie: quand l'un de nous veut sortir ou rentrer, il utilise la petite porte donnant sur le jardin, afin d'etre le plus discret possible et de ne pas eveiller les soupsons. 3 jours, et donc 3 soirees... 3 soirees a discutter de reincarnation, de religion, de philosophie bouddhiste, de 3eme oeil... 3 soiree a respirer les effluves de la pipe a eau artisanale recuperee quelquepart en Ouzbekistan, dans la lumiere verte et tamisee d'un sarong pose sur l'ampoule pendue au mur... 3 soirees a ecouter des aventures russes abracadabrantes, a disserter de la meilleure route entre Vladivostok et Moscou, a apprendre ce qu'est la vie sur le cercle polaire arctique... 3 nuits a dormir sur un petit matelas de bambous pose au sol, entasses a 4 dans la chambre...
Puis je quitte enfin Pakse dans un petit camion, enfoui sous un monticule de Laossiens, pour me rendre a Ban Saphai, village ou je dois prendre un bateau pour l'ile de Don Kho. Don Kho, sur le Mekong, est reputee pour ses sarongs en soie tisses a la main, a l'ancienne, et pour sa tranquillite. Pas de guest-house ni d'hotel, je resterai dormir chez l'habitant. Apres avoir embarque sur le ferry, et paye environ 17 fois le prix qu'un local aurait paye pour le traversee, me voila enfin installe dans une charmante maison de Don Kho. Je resumerai la description de l'ameublement a un seul mot: sommaire... En effet, la seule presence d'une armoire style 50's, de plusieurs matelas a meme le sol, et parfois d'une photo kitschissime dui mariage de la petite fille encadre de dore poussiereux, suffit a combler l'espace. Les maison sont toujours occupees par plusieurs generation de la famille, soit par 8 a 14 personnes. Pas d'intimite, pas de murs, pas de salle de bain. Toutes les maisons sont construites selon la meme architecture. Le batiment principal est juche sur pilottis, et se trouve a environ 3 metres au dessus du sol. C'est essentiellement la partie ou l'on dort, et sa situation surelevee et aeree permet la circulation de l'air pour les nuits de la saison chaude. La partie au sol, sous la maison elle-meme, beneficie d'une fraicheur relative pendant la journee (grace a l'ombre du batiment) et sert de piece a vivre, de salle a manger, de cuisine, de salle de bain, ou encore d'atelier pour reparer le mateirle de peche. C'est egalement un lieu cle dans les echanges sociaux, car chaque passant peut y entrer et discuter avec les occupants de la maison. Cette partie ne comporte aucun mur ni cloison, et l'on peut facilement communiquer avec les gens des maisons environnantes en haussant a peine la voix. C'est egalement le lieu de predilection pour la sieste, activite officielle de 80% des habitants entre 11h et 15h, quand la chaleur de la journee est a son paroxisme.

Je  ne le savais pas encore, mais j'allais faire partie de ces 80% ce jour-la... Je decide en effet de marcher un peu pour faire le tour de l'ile, le long des rives sur le Mekong, prevoyant une heure ou deux pour cette visite. Il est alors 10h30, i lfait deja tres chaud, mais ce devrait etre joualbe. Je suis intrepide... Mais rapidement, apres une toute petite demi-heure, je me rend compte qu'il m'est tout a fait impossible de mettre un pied devant l'autre. Je suis en nage, une fatigue incroyable m'envahit sournoisement facon express, et mon sang semble bouillir dans mes vaines. Je n'ai jamais ressenti une sensation telle que celle-ci... Je tente de lutter en sifflant une Beer Lao de 70cl, mais impossible... Je m'endors finalement lamentablement sur un banc en bois, a l'ombre d'un grand arbre, avec pour derniere vision la course tranquille des eaux du Mekong. Berce par le doux son des metiers a tisser, au loin, parfois mi-eveille par quelque poule bruyante ou par un passant courageux, je reste la, prisonier de cette lethargie jusque vers 16h, ou une fraicheur a peine perceptible tente de me tirer de cet etat. Peniblement, je m'assoie doucement, considerant avec etonnement que c'est la premiere fois que je ressens si fort les effets de la chaleur. Petit a petit, la temperature redescend, et un vent frais commence a souffler, pousse par un orage qui gronde a l'horizon.

Ma soiree apres un excellent repas fait maison, sera pourtant courte, et je retombe dans les bras de Morphee vers 20 heures a peine... Apres avoir verifie sur mon thermometre ce jour-la, je crois que je suis en mesure de dire qu'avec plus de 41 degres a l'ombre, c'etait bien le plus "chaud" jour de ma vie...
 
Don det, le 3 mai 2010. J'ai debarque a Si Pan Don il y a deux heures apres une tres longue journee de voyage. Je quittais Banlung vers 8h30 en catastrophe alors que le mini-bus sense me recuperer a mon hotel m'avait oublie... 20 minutes de negociation avec "l'agent de voyage" pour lui faire comprendre lq situation, et me voila dans un petit van local direction un croisement au milieu de nulle part, 120 km plus loin. A ce croisement, une mote m'attend qui me trimballera 30 bornes encore vers Stung Treng, ou je dois recuperer mon mini-bus fantome a 13h30. A 14h, c'est une vieille bagnole pourrie qui se pointe, et qui m'embarque entasse avec 5 autres passagers (sans compter le conducteur) pour arriver a la frontiere du Laos. 16h, me voila devant le poste frontiere pour faire la demande de visa, qui me coutera 32$. Le vrai challenge est maintenant depuis ce point, de trouver un moyen de transport pour parvemir a Don Det, ile-etape pour y passer la nuit. Une moto qui traine par la me propose un prix correct, et je grimpe a l'arriere, suant et ecrase par mon sac a dos. Plus qu'un petit saut en bateau, et me voila enfin dans moon bungalow, juste apres avoir admire le couche de soleil sur le Mekong, seul plaisir jusque la pour la journee. Douche froide revigorante, puis je sors pour grignotter rapidement un bout. Je jette mon devolu sur un resto qui semble servir de bons plats indiens.

Petit a petit, la soiree glisse alors doucement vers le fantastique... L'une des serveuses du restaurant est en fait un travesti, qui me fait tres serieusement les yeux doux. Je suis un peu gene et mal a l'aise. Elle tente d'engager la conversation dans un anglais hesitant, et au fur a mesure que mon "mutton korma" disparait, se fait plus insistante. Au meme moment, alors que la nuit est deja tombee et s'assombrit, l'atmosphere se raffraichit.  A cette heure, Si Pan Don devient le terrain de jeu des innombrables insectes qui peuplent les rives du fleuve. J'avoue n'en n'avoir jamais vu autant en meme temps. Les quelques moucherons qui volent autour des lumieres du resto (en plein air) deviennent vite nuees. En mangeant mon delicieux repas, j'ai le plaisir de recevoir en pleine figure toute sortes d'objets volant non identifies... En y regardant de plus pres, ca va de la fourmi volante a la mega sauterelle de compet', qui tombe a grand bruit sur le sol et sur la table. On s'y habitue rapidement, cela dit. C'est tres depaysant... En outre, comme il n'y a que moi dans le restaurant, les autres serveuses se mettent a chsser les sauterelles qui tombent sur le sol, se ruant dessus pour les attraper a mains nues. Elles les stockent dans une grande bouteille, et j'ai la reponse que je veux quand je me renseigne; c'est bien sur pour les griller et les deguster plus tard. Met tres apprecie, apparemment dans la region...
Si la journee s'arretait la, ce serait deja pas trop mal. mais alors que je finis peniblement mon plat, une silhouette s'avance parmi les insectes. C'est une jeune femme au pas hesitant. Suzan est suedoise, elle a 35 ans, et elle completement ivre... Elle me supplie de lui tenir compagnie un moment pour boire une biere. Elle m'explique qu'elle vient de se prendre la tete avec Norman, et qu'il a ete mechant avec elle. Suzan descend les bieres et les etages de l'ivresses, mais apres un moment je n'en pleux plus. La journee a ete longue, je dois dormir. Je salue tout le monde, paye mon addition, et m'en vais laissant Suzan a son desespoir, les sauterelles dans leur bouteille, et la serveuse dans sa robe moulante. Je regagne mon bungalow esperant m'endormr rapidement, mais je passe une nuit a lutter avec les bestioles curieuses de visiter l'interieur de ma moustiquere...

Lever bon pied bon oeil le jour suivant pour un depart vers Pakse. Direction le petit dejeuner et les bonnes calories matinales. Au fil du repas, alors que j'ai encore deu heures avant d'embarquer sur le raffiot, je me retrouve attable avec une jeune israelienne, un ecossais au T-shirt de Popeye, et trois russes dont deux ne parlent pratiquement pas anglais. Les trois russes vont a Pakse egalement, nous partons ensemble. Resultat des courses, me voila maintenant partageant la meme chambre que trois hippies russes, completement inconnus quelques heures auparavant.

Aurais-je pu prevoir 10% des trucs qui se sont passes ces 3 derniers jours? Je ne crois pas... Le vent entre et sort par ls fenetres ouvertes, et je le laisse faire...