“J’ai vu tant de choses, que vous, humains, ne pourriez pas croire... De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion, j’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la Porte de Tannhaüser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir.”
 
Le Replicant s’adresse au Blade Runner, il est torne nu, ses yeux bleus scintillent au milieu d’un visage trempe par la pluie. Les gouttes d’eaux ruissellent lentement le long de toutes petites routes paralleles, verticales, le long de son front et de ses joues, puis s’ecrasent finalement sur le sol dans un dernier saut.  Sur le toit de cet immeuble, Il va bientot mourir. 250m plus bas, dans les avenues au niveau du sol, la valse des parapluies ne s’interrompra pas pour autant, meme pas pour marquer une minute de silence. Ridley Scott a eu une vision, Il a cree en 1982 Shanghai telle qu’elle est reellement aujourd’hui... Ou alors, on a voulu immiter Blade Runner et Shanghai s’est developpe en suivant scrupuleusement les images du film.
30 ans plus tard, la realite a rejoint la fiction, et je ne sais plus vraiment ou en sont les frontieres respectives. Je marche le long du Bund, les yeux incredules devant le spectacle qui se joue ce soir tout autour de moi. J’ai tellement peine a me rendre compte que ce dont je suis en train d’etre le temoin existe vraiment… Ainsi, si quelqu’un m’arrete a l’instant et me declare que quelque Replicant se cache dans les rues de Shangai, je suis prêt a le croire. Mais personne ne m’interpelle pour me faire cette declaration surrealiste… pas encore, du moins…
 
Au milieu de la foule, dans cette nuit brumeuse de l’est chinois, quelques gouttes de pluie perlant sur le visage, je tente de comprendre ce qui m’arrive. En face de moi, le fleuve court large et calme, ses eaux sont rouges, jaunes, vertes, bleues ou violettes. Elle refletent les innombrables sources lumineuses tout autour. A sa surface, dans un sourd vrombissement couvrant presque les discussions de la foule, semblent glisser des bateaux plus incroyables les uns que les autres, veritables fetes foraines amphibies, ou simples traits de lumieres sur l’eau. Un vieux bateau a aube entierement eclaire de neons rouges, un dragon irise changeant du rose au vert en passant par le mauve, un trios ma facon pirates illumine d’un bleu glacial… Pour certains, impossible de discerner leur forme exacte, tant ils sont brilliants et lumineux.. Au dessus de moi, un ciel lourd et brumeux recouvre la ville d’une chappe cottoneuse. Un ciel completement blanc, qui renvoit toute la claret des millions de lumieres de cette ville. Un ciel qui dissimule la cime des plus hauts grattes-ciel, posant dessus comme un voile mysterieux. Derriere ce voile, seule la lumiere qui transparait, semblant venir directement de l’espace.
 
J’effectue un tour complet sur moi-meme. Ici, c’est du jaune qui predomine. Le Bund, avenue mythique de Shanghai, s’etire sous mes yeux, bordee de ses immeubles neo-classiques style new yorkais. Massifs, ils sont illumines sur toute leur hauteur, et dominant l’avenue de leur quarantaine d’etages. Des domes dores coiffent certains, un toit pyramidale semblant taille dans une gigantesque emeraude trone au sommet d’un autre. Colonnes, portes colossales, corollas immenses et coupoles de verre se disputtnet la vedette et tentent literallement de m’hypnotiser.
45 degres a gauche. Le fleuve s’etend dans la nuit, encircle de deux rideaux de lumiere; les deux rives, veritables falaises urbaines de metal, de verre et de beton. En forcant ma vue, j’apercoit les navires colores les plus eloignes, et me rends compte qu’ils sont regroupes en une veritable armada de la flotte touristique. Un pont enjambe les eaux a quelque distance, creant un lien scintillant entre deux rives lumineuses. Des arches demesurees s’entremellent pour former une trigonometrie reguliere et brillante au dessus du courant.
45 degres a gauche encore. Je ne peux m’empecher a cet instant de me parler a moi-meme, victime de mon emerveillement. Toujours incredule face a ce que je vois, je leve les yeux jusqu’a la limite du ciel, ou disparaissent des immeubles aux formes delirantes, rivalisant de creativite et de hauteur. Une vraie foret de batiments mene un combat titanesque sur la rive pour arriver a toucher les nuages, comme les arbres d’une jungle se disputeraient un peu de soleil… Des pointes, des spheres, des ecrans geants GEANTS, des cubes, des cylindres, et autre geometries immenses composent le paysage, et le tout est entierement eclaire et clignotte compulsivement sous un ciel qui suit le meme rythme. De la ou je me trouve, entrevoir un vaisseau spacial planer tranquillement entre les cimes des grattes-ciel ne serait plus tres etonnant, tant le spectacle est deja incroyable.
 
Au gre du vent, les nuages le plus bas se frayent un passage entre les antennas et les derniers etages des buildings, et donnent une touche finale a ma scene de Blade Runner:
Je vois tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire... De grands navires en feu surgissant des eaux du Huangpu, je vois des rayons fabuleux, briller dans l’ombre des Portes du Jin Mao Building. Tous ces moments ne se perdront jamais dans l’oubli, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de vivre…
 
Je suis tellement desole... Ca va faire une semaine que rien n'est publie ici... Je suis tres paresseux a Beijing, pour le moment. J'occupe le plus clair de mon temps a me reposer et a regarder des films dans le salon de l'auberge de jeunesse. Parfois, je mets le nez dehors pour aller visiter la Cite Interdite, ou encore la Grande Muraille... La Cite Interdite n'est plus du tout in terdite, comme elle l'a ete pendant 500 ans. Maintenant, elle est ouverte a tous, je veux dire aux centaines de milleirs de visiteurs qui s'y bousculent chaque semaine. Mais que fait l'Empereur?... La magie du lieu, si magie il y a, est quelque peu effacee par les bruits de pas innombrables, qui finalement brisent la tranquilite pensee selon le regles du Feng Shui de l'endroit. Mais c'est ainsi, et le milliard de chinois qui habitent le pays s'y bousculent finalement, a grands renforts de touristes etrangers, comme moi. Il est difficile d'imaginer les samurai a la demarche fiere deambuler dans les allees du temple, maintenant...
J'ai egalement quitte le havre de l'hotel pour devenir un Homme. Car en Chine, il est dit que quiconque va a la Grande Muraille devient un vrai Homme. Alors, me voila enfin eleve au rang de heros, pour avoir foule les paves et les pierres branlantes du plus long edifice jamais erige par la main de l'etre humain. Un super grand mur, a perte de vue, fendant les collines et les vallees en leur milieu (s'il existe un milieu aux collines ert aux vallees...). Une marche difficile, certains endroits etant si a brupte qu'il faut s'aider des mains. La vraie question, finalement quand on visite la Grande Muraille, c'est comment les chevaux faisaient-ils pour se deplacer le long du mur... On se rend vite compte que certaines partie sont si pentues qu'on a du couper les pates avant ou arriere des chevaux pour qu'ils soient d'applomb sur le chemin. Avant pour les chevaux allant dans un sens, arriere pour les chevaux revenant en sens contraire... C'est la seule explication que j'ai pu trouver... je ne sais pas vraiment comment les chevaux faisaient pour revenir a leur point de depart dans le sens inveser avec les pates courtes dans le mauvais sens, ne me demandez pas... ils etaient peut-etre juste executes pour leur viande... ou alors, il n'y avait pas de chevaux qui allaient sur la Grande Muraille... enfin, tant de questions viennent a mon esprit en decouvrant le monument, intelligentes bien-sur.

Demain, Beijing bye bye... Hello Shanghai, les buildings, le Bunt, la concessoin francaise, les neons dans les rues, et la pollution. Decollage 12h, pour de nouvelles aventures.