Kashgar, Xinjiang.
Chine, Kirghistan, Pakistan, Kazakhstan.
Ouigours, Mongols, Hans, Kazakhes, Kirghizes.

Le bout de la Chine, le bout de mon voyage. Kashgar, route de la soie, plus de 2000 ans que les peuples d'Asie, d'Afrique et d'Europese melangent dans ses rues grouillantes de vendeurs, d'acheteurs, de mandiants, de voleurs, de passants. Plus de 2000 ans qu'on y achete, qu'on y vend, qu'on y negocie, qu'on y echange, qu'on y mendie, qu'on y vole, qu'on y passe, qu'on y boit du the. Kashgar m'appelle depuis 6 mois, de sa voix lointaine, exotique et mysterieuse, dont l'echo dont l'echo a raisonne sans cesse en moi comme une promesse. Une promesse que Kashgar de debat pour tenir, alors que je decouvre ses rues, ses avenues, ses recoins caches et son bazaar.

Quoi penser de cette ville mythique, ou plus de 2000 ans d'histoire se bousculent. Ou chaque detail lutte aprement contre le temps et contre les assauts constants de la mondialisation. Comment reagir face au spectacle troublant d'une ville construite en boue et en briques, dont les toits en paille reposants sur des poutres de bois tortueux, s'appuient contre des immeubles de beton aux couleurs facon desert caricaturant grossierement l'architecture arabe. Que ressentir en observant l'immense grande roue, attraction hideuse qui emmerge de ce qui pourrait etre la Tour de Babel telle que Bruegel l'avait imaginee au XVIeme siecle...

Kashgar, Babel, Monopoly... Je construis une maison en torchis a flanc d'une colline en torchis. Je lance les des, double 6, case "chance", je gagne a la loterie, je suis Han. Je detruit trois maisons en torchis a flanc de colline en torchis, et je construis un hotel en beton. Tu es Ouigour, tu tombes sur mon hotel et tu payes. Tu relance les des, 5, case "prison". Mais Kashgar-Monopoly manque de cases, alors on en rajoute en on en invente. Boulevard du Peuple, Avenur du Milieu, Rue de la Chine. Et tous les petits pions Ouigour a la peaux sombre et aux yeux parfois bleus tombent peu a peu dans la case "prison"...

Mais Kashgar-Babel a la force, la force de lutter contre les invasions du temps qui passe, et je me perd dans ses rues en souriant, espionnant le moindre de tail, tentant de decouvrir et d'imaginer la ville telle qu'elle etait il y a longtemps. Les memes gestes qui ne trompent pas, gestes que l'on effectue depuis si longtemps qu'ils sont devenus des reflexes. Des mains qui operent sans que le cerveau n'est plus besoin de les commander. On cuit le nan dans un four qui ressemble a un tandoor, et on retire agilement le precieux pain au bout d'un long crochet. On depecea la hache un mouton qui pend en pleine rue, et les meilleurs morceaux sont rapidement vendus. On cire prestement les chaussures de telle maniere que leur proprietaires repartent en marchant sur des etoiles. On brode les calottes assis au fond d'une cour poussiereuse, sans preter attention a ses doigts qui guident l'aiguille comme par magie a travers la soie. On grille le kabab sur des braises ardentes qui se sont presque preparees toutes seules.
Je sais au fond que Kashgar lutte dans un combat sans merci, et qu'elle est seule face a ses adversaires, nombreux et impitoyables. Mais j'ai confiance en elle, je dois, je prefere.

Apres Kashgar, ce sera comme le retour. Apres le bout de mon voyage, un retour vers la maison, encore un tres long chemin, une tres longue route a travers le Xinjiang et la Chine, a travers de nombreux villages qui restent a decouvrir et de nombreuses etapes. Et chaque village, et chaque etape, palera en faveur de Kashgar, et renforcera ma confiance en elle, en son esprit fort et farouche, comme il y a 2000 ans.

Kashgar, oasis au milieu du desert de sable.
Ouigour oasis au milieu du desert Han.
 
Amdullah est un jeune Ouigour qui court et qui s'amuse dans les rues poussiereuses de la petite ville de Turpan. Il fait parfois tres chaud, et le soleil impitoyable du Xinjiang brule le haut de sa tete d'enfant. Mais il s'en fiche, et il court avec ses camarades a travers les vignes, entres les maison en torchis, entre le peupliers, parmi les moutons qui belent et qui fuient, et les cirs des enfants raisonnent contre les murs bruns. Amdullah est musulman, et comme tout garcon de son age, il effectue quotidiennement les 5 prieres a Hallh, regardant vers l'ouest, en direction de la Mecque. Amdullah va a l'ecole Ouigoure, et apprend le Ouigour, la langue de sa region natale, les mathematiques, et un peu de chinois. Il a egalement des lessons d'anglais, et son professeur est tres impressionne car Amdullah a une facilite deconcertante pourparler cette langue. A chaque fois qu'il leve le doigt pour repondre a une question, il se met debout, bien droit, et prononce clairement les mots juste que son professeur attendait, dans un accent parfait. Son professeur sourit, fier de son meilleur eleve.
Parce qu'il parle parfaitement l'anglais, le jeune garcon devient guide et emmene des dizaines de visiteurs a la decouverte des nombreuses merveilles qui entourent sa petite ville perdue au milieu des sables du desert. Les Montagnes de Feu, les grandes dunes de sable, les rues enigmatiques des villages voisin de Tuyoq, les ruines d'anciennes cites perdues dans le desert, a moitie englouties par les sables, jadis grands comptoirs sur la route de la soie. Il est un guide renomme, de par sa connaissance de l'histoire du pays, de par sa connaissance des meilleurs endroits de la region, de par son aisance en anglais, et parce qu'une lueur particuliere brille dans ses yeux Ouigours, bruns amande. Il conduit les visiteurs a travers tous ces paysages, au volant de la Jeep qui bondit farouchement entre les dunes et les rochers du desert, ou sur l'ambryon de route. Le jeune homme travaille dur, et emmene chaque jour les visiteurs qui reviennent, plein de gratitude pour leur guide. Il decouvrent grace a lui le coucher de soleil sur les dunes de sable, les couleurs des montagnes, et le ciel parseme de millions d'etoiles dans la nuit au milieu de nulle part. Certains japonais pleurent meme devant ce spectacle, en sentant la tranquilite et la puissance absolue qu'il degage.

Amdullah est un homme sans age, a la demarche boiteuse car sa jambe droite est handicapee. Une cicatrice lezarde son visage tout autour de son oeil gauche, mais son regard n'a rien perdu de sa lueur particuliere qui brille dans ses yeux Ouigours, bruns amande. Il me conduit a travers les grandes avenues de Turpan et enfin quitte la ville pour s'engager sur l'autoroute qui coupe le desert quelque part entre son milieu et ailleurs. Il parle un anglais hesitant, et heurte sur certains mot. Il ne pratique plus assez l'anglais et peine a entretenir un niveau correct. Je lui ai demande de me conduire aujourd'hui aux Montagnes de Feu et aux dunes de sable. Il est particulierement heureux de mon choix, car cela fait maintenant plus de deux ans que personne ne lui a demande de voir les dunes de sable. Il peut donc enfin retourner dans l'endroit qu'il prefere, parmi tous ceux qu'il connait., et cela ravive enormement de souvenirs en lui qui remontent a plus de 10 ans. Sa petite camionnette chinoise tresaute peniblement le long des kilometres, et m'arrete devant les Montagnes de Feu, premiere etape de l'apres midi. Je leve les yeux vers les hauteurs, et sans rien dire, me laisse ecraser par les couleurs, les formes, le bleu du ciel irreel et le rose des rochers surrealiste. Je baisse les yeux vers le portail, la caisse, les chameaux ranges en ligne droite, et les touristes chinois qui payen pour passer une grille qui entoure... le desert... Amdullah et moi echangeons un regard perplexe, et il me propose d'aller un peu plus loin ou le paysage est encore plus somptueux, et ou aucune grille ne gache sa vue. Il me conduit ensuite aux dunes de sables, premices du desert de sable aride qui s'etend a des centaines de kilometres plus loin. Nous traversons les champs d'exploitation petroliere chinois, ou les puits et les forages poussent comme des champignons depuis environ dix ans, de part et d'autre de la grande route goudronnee. Il ne peut pas m'accompagner pour marcher dans les sables, car il se deplace difficilement et lentement. Je m'assois donc tout seul sur la crete d'une collind de sable, et je contemple. Et j'ecoute. Je n'entend que le sifflement de la pression de mon sang dans mon corps. Rien d'autre. Rien. Le sable brun, la chaleur du soleil, la puissance totale de tout ce qui m'entoure, et que les mots decrivent si mal... En fait, je comprend alors que certains visiteurs japonais aient pu pleurer en voyant ce spectacle, en sentant la tranquilite et la puissance absolue qu'il degage.

Sur le chemin du retour, nous nous arretons dans un petit village vers 21h30, Amdullah doit prier, et s'engouffre dans une petite mosquee en torchi au coin de la rue. L'attendant de l'autre cote de la rue, je suis invite a boire le the et a manger du pain Ouigour et des raisins secs dans une maison, objet absolu de curiosite de la famille qui y vit. Amdullah et moi reprenons alors la route, et il prend le temps de me declarer que Turpan etait ainsi il y a 10 and... je ne sais pas quoi repondre, alors je ne dit rien... Sa petite camionnette chinoise tresaute encore, puis s'arrete finalement, en plein milieu de la route. Il fait nuit, nous sommes au milieu de rien, et elle nous fait le coup de la panne. Amdullah et noi echangeons de nouveau un regard perplexe, et decidons de rentrer en stop. Une voiture nous ramasse et nous ramene en ville. Je suis desole pour sa voiture, le paie pour ses adorables services, et le salue chaleureusement. Il s'en va en boitant, marchant jusque chez lui. Je le regarde s'eloigner, et rentre me coucher apres une tres longue journee, en pensant a tout ca.

Amdullah a une petite fille de 6 mois. Elle grandira, elle s'amusera d'abord le long des grandes avenues de la grande ville de Turpan, entre les murs de beton des grands immeubles, puis ira a l'ecole chinoise ou elle apprendra le chinois, les mathematiques, l'anglais et peut-etre le Ouigour, la langue de sa region natale. Elle aura elle aussi des enfants, qui avec un peu de chance, se souviendront peut-etre seulement qu'ils sont Ouigour.
 
Chengdu est en Chine. Chengdu est une immense ville aux immenses batiments gris, aux larges rues grises sous un lourd ciel gris de pollution. Chengdu est remplie de chinois qui fourmillent, qui grouillent, qui crient, qui negocient, qu icrachent, qui mangent salement, qui saluent, qui salissent le sol des restaurants, qui se ruent, qui visitent, qui vendent, qui boivent, qui se mouche bruyament, qui regardent, qui sourient, qui sortent leurs billets, qui pesent, qui font du velo, qui se protegent de la pluie... Qui sont des chinois en Chine...

Je passe la porte de mon wagon, le wagon-couchette n15.
Je voyage en train et je ferme les yeux.
Je passe la porte de mon wagon, le wagon-couchette n15.

Turpan est en Chine. Turpan est une petite ville aux petits batiments ecrases de lumiere, aux petites rues brunes et poussiereuses noyee de soleil impitayable. Turpan est remplie de chinois qui prient Hallah, qui negocient, qui etalent leurs pasteques fraiches, qui arborent fierement une barbe sombre et fournie, qui on un couvre-chef, qui ont le visage ravine par le soleil, qui ressemblent a des turcs, qui vendent, qui degustent delicatement le mouton, qui sourient, qui sortent leurs billets, qu idirigent l'ane trainant leur cariolle, qui se protegent du soleil, qu iprennent le temps, qui boivent du the... Qui sont des chinois en Chine...

Je m'assois et je ferme les yeux.
Je me demande alors quelle est la vraie Chine, et pourquoi d'un cote les hommes ont les yeux brides et les cheveux noirs et raides, et pourquoi d'un autre cote les hommes ont les yeux bleus et les cheveux frises. Je tente de comprendre pourquoi tous ces gens si differents se retrouvent encercles dans le meme ensemble mathematique, avec une petite ligne tout autour d'eux pour les separer de leurs voisins les russes, les kirghizes, les indiens, les coreens, les mongoles... Je me demande ce qu'en Chine, veut reellement dire le mot "frontiere", si ce n'est un petit trait sur une carte.
 
Je me prepare a passer ma seconde nuit a bord du train couchette K253, a destination d'Urumqi. Le train aura parcouri au total 3200km entre Chengdu et Urumqi en environ 48 heures. Moi, je descendrai a Turpan, 3000km pile et environ 45 heures apres le depart. Dans le wagon couchette, i lsemble que tout le monde soit parfaitement prepare, equipe et pret pour ce genre de voyage interminable. Une fois de plus, je suis le seul etranger dans tout le train, et je commence a me poser de serieuses questions (pour rire) sur l'avenir du marche touristique en Chine.D'une certaine maniere, je prefere ca, apres avoir ete parfois noye dans un flot de touriste en Asie du Sud Est.

Ainsi, une petite vie parallele s'organise tranquillement dans le wagon, et les familles ou groupes de passagers s'improvisent un salon avec les couchettes comme canape, une table de jeu avec deux gros cartons de cup noodles, une chambre a coucher avec une radio de fortune dans un coin. Un couloir court dans le wagon sur toute sa longueur, ouvert su rles espaces lits, assez exigus et depourvus de rideau ou de porte. C'est un open space, comme on dit dans le jargon bureautique. Chaque petit espace regroupe six couchettes superposees, trois de chaque cote sur trois niveaux. Je suis au dernier etage, avec vue imprenable sur le couloir, ce qui me permet d'occuper un position strategique pour espionner la petite societe en dessous, mais presque colle contre le plafond en revanche. Un petite table occupe le "rez de chaussee", entre les deux lits du bas.

On joue aux cartes (j'ai tente de comprendre quelque chose aux regles, mais sans aucun succes...), on nourrit bebe, on s'amuse avec son GSM, on lit une bande-dessinee, on regarde defiler les kilometres, ou on ne fait rien du tout. Il n'y a pas d'activite debile, tant que le temps passe... Pour ma part, en d'autres circonstances je serais devenu fou. Dans un train pendant deux jours? sans rien faire? ca va pas non?...
Mais j'ai appris a profiter du temps qui m'est offert, et qui est si precieux pour moi maintenant. Je le passe avec moi-meme, en toute tranquillite et en tout quietude, acceptant et decouvrant cette nouvelle occupation; rester deux jours dans un train... Au gre des envies, je bouquine, je photographie le paysage, j'observe les gens, j'ecoute de la musique, je reflechis, j'ecris mes articles, je visite le train, je souris aux passagers, je mange un morceau, ou encore je ne fais rien, allonge sur ma couchette mi-moelleuse en mattant le plafond. C'est tellement nouveau, ne rien faire... et je l'accepte. De toute facon, comment faire autrement? la seule maniere de se rendre de A vers B en Chine, c'est de rester 2 ou 3 jours dans un train. Alors laissons faire, et decouvrons avec plaisir cette activite dont j'avais completement oublie l'existance depuis presque 10 ans.

Oh, j'avais bien tente de la pratiquer quelques fois... Je dis bien tente, car la mauvaise conscience m'en avait aussitot retire tout plaisir, et donc egalement le luxe de l'apprecier. Mais maintenant, je l'apprivoise, et ma conscience est de mon cote cette fois-ci. Ne nous privons pas, alors.
 
Contrastes incessants, et frappants... La Chine est remplie de gens tres pauvres, tres riches, et tres moyens... Chengdu, gare ferroviere. Sur le parking des Lexus, des 4X4 cadillac, des break Audi Q8... Dans le hall, des gens sales qui n'ont pour seuls bagages qu'un enfant morveux et pleurnichant assis sur un sac en toile rempli de cacahuetes... 9,5 millions de km2, presque 1,5 milliard d'habitants, rien n'est uniforme comme le decrivait l'utopie communiste du debut du siecle.

Il y tellement d'informations nouvelles pour mon cerveau a traiter en meme temps. Rien n'est en anglais, l'ecriture demande un effort constant pour reperer le moindre ideogramme qui me permet d'identifier ce que je recherche... Tant de monde partout, de signaux visuels, auditifs, olfactifs... Tout m'assaille sans merci, sans pitie, sans prevenir, et un grand tourbillon m'entraine dans une ivresse constante et indescriptible.
Personne ne m'attend, personne ne fait attention a moi, personne ne parle anglais, et en meme temps tout le monde me ramarque, tout le monde me guette du coin de l'oeil, tout le monde m'espionne. Je joue le jeu, faisant mine de ne rien remarquer, puis je tourne la tete sourire en coin, pour decouvrir des dizaines d'yeux meduses rives sur moi...
Certains regard disparaissent alors et se noie dans une contemplation du plafond ou du ciel, d'autres se transforment en sourire narquois, d'autres encore se changent en rire mele de surprise et de timidite. Au moment meme ou j'ecris cet article sur mon carnet de notes, assis dans le hall de la gare, deux jeunes se sont assis a cote de moi, a ma gauche, les yeux rives sur mon stylo pour regarder a quoi ressemble mon ecriture. Des dizaines d'autres yeux curieux sont tournes vers moi, observant la scene de loin. Aucun touriate alentour, aucun occidental, aucun voyageur pour improviser une cohalition, aucune fuite possible. Je sourie. Je ne serai jamais vraiment seul en Chine. Au debut c'est tout a fait deroutant, ensuite... ca reste deroutant... Les deux jeunes assis a ma gauche ont deja appele trois autres copains... je suis deja au centre d'un petit cercle de curieux...

Interagir ou me refermer, tout depend des envies du moment. Aujourd'hui, je branche simplement mon Ipod, pour ecouter the Pink Floyd, Wish You Were Here, en pensant a plein de trucs.
 
Il fait de nouveau gris sur Chengdu, mais la pluie nous epargne aujourd'hui. Une lourde chappe de brume voile les derniers etages des hauts grattes-ciel de la ville. Ce soir a 19h15, je grimperai dans le train qui me conduira a Turpan, 3000km au nord-ouest, nous somme le 26 mai. Je depose mo gros sac a la consigne de la gare, et entreprend une petite visite improvisee de la ville, il est presque midi. Les rues se succedent, croulant sous les etales de vetements au rabais, de lanternes fabriquees a la chaine, de peluches immitant les heros de dessins-animes, et bien-sur sous les boutiques de bouffe en tout genre. Je ne reconnais d'ailleurs bien souvent que le riz parmi les ingredients que je decouvre... Depuis la gare, je me dirige grossierement vers le sud, mon but etant de me rapprocher du Temple Wenshu qui sera une etape de ma journee.

J'y arrive finalement apres une bonne heure et demi de marche tranquille  dans une ville bondee de monde et de vehicules. M'acquittant des 5 yuans de droit d'entree, je penetre dans l'enceinte du temple par un grand portail de style traditionnel, comme on peut en voir dans bon nombre de films chinois. Ici, l'ambiance est fraiche et calme, et les inombrables cours et jardins bien soignes et propres reposent au milieu du tumulte de la grande ville. Entre les arbres et par dessus les toits en tuiles grises, je distingue les hauts immeubles des alentours. C'est un contraste deroutant... Quelques touristes occidentauxp par-ci par-la, ce sont les premiers que je vois ici. Quelques moines en costume orange, facon Li Mu Bai dans Tigre et Dragon completent le tableau. Je les imagine deja s'entrainant chaque matin et pratiquant le Kung Fu sur un promontoir rochant, devant le soleil levant. Je me trompe surement sur leur mysticisme, si j'en crois mes recentes decouvertes sur les moines a Chiang Mai, en Thailande... bref...
Ayant boucle ma visite parmi les batisses centenaires du temple, je me retrouve devant le portail principal, marchant paisiblement vers la sortie. En face de moi, entrant dans le temple, un couple s'approche. Monsieur me jette un regard de haut en bas, et s'adressant a sa copine en anglais, lui declare: "tu vois, lui, il est americain"...
Je m'arrete a leur heuteur, intrigue. Le mec doit avoir environ 35 ans, occidental, cheveux clairs et frises, yeux clairs derriere de fine lunettes, un Leica pendouillant autour de son cou. Il traine derriere lui une tres charmante chinoise, qui n'a pas l'air de s'amuser plus que ca. Voulant en savoir plus je l'interroge, lui demandant en anglais egalement pourquoi il pense que je suis americain. Repondant a sa copine et pas a moi, monsieur dit que je suis habille comme un americain, en pointant mes vetements d'un doigt arrogant. A son accent, je comprend qu'il n'est pas anglophone, et je suis plutot etonne qu'apres m'avoir entendu lui parler anglais, il continue de prouver a sa copine ma provenance americaine... je m'en sens neanmoins flatte, pensant que je dois avoir un accent plutot convenable... Je l'interrompt cependant, pour lui faire remarquer que les vetements qu'il identifie comme etant de style americain ne sont qu'un T-shirt blanc uni, un pantalon vert uni, et des chaussures de marches grises... unies... Il me retroque qu'il est alle plusieurs fois a New York, qu'il est Afghan, et que tous les americains s'habillent comme moi... Un peu agace, je decide de lui preciser que je suis francais, et qu'il se met profondement le doigt dans l'oeil s'il se croit capable d'affirmer d'ou viennent les gens en regardant leurs vetements. C'est un jeu tres marrant au demeurant, mais il est ici on ne peut plus serieux... il ne joue pas...
Emaillant alors sa confiance en lui, je decide d'enfoncer un peu plus mon petit couteau dans la petite faille que j'ai trouve. Je le salue poliment, en ajoutant que dans la vie, i lest parfois interessant de ragarder plus loin que les apparences. C'est tellement cliche et beta, mais tellement jouissif a ce moment precis. Une joie enfantine m'envahit alors que je jette un dernier coup d'oeil a sa copine, tres visiblement embarassee par la courte discussion.

Je m'eloigne fierement, sans me retourner, dans la grisaille de la ville, disparaissant finalement dans une brume mysterieuse...

THE END
END CREDITS
 
Le 25 mai, il pleut sur Chengdu, et j'ai ressorti un pantalon... Entre les gouttes qui tombent du ciel gris et lourd de la ville, j'ai reussi a attraper un taxi pour l'immense gare ferroviere de la ville. Le hall de celle-ci est rempli d'un nombre inpressionnant de gens, organises en une quinzaine de longues files, terminant devant un des quinze guichets qui vendent les billets de train. Apres 35 minutes d'une attente qui comble mes sens, je parviens devant la jeune femme qui me regarde d'un oeil incredule. Pourtant, je repart fier d'avoir pu acheter mon billet pour Turpan sans utiliser l'anglais, et sans trop d'encombre en chinois. Bien-sur je me suis aide de mon Lonely Planet pour prononcer quelques mots qui refusent de sortir de ma bouche correctement, mais le resultat est qu'assez rapidement, j'ai obtenu le billet pour la destination souhaitee, en couchettes dures (ce que je voulais exactement), pour la date et l'heure souhaitee. Grande premiere, je quitte la gare fier de moi, sous la pluie qui ne m'epargne pas pour autant pour mon exploit... Sous cette pluie, je me resigne a annuler la visite d'un temple que j'avais programmee. Le temps est tro pourri et frais, je me rabat vers la solutions universelle dans ces conditions; aller voir un film au cinema. D'une pierre deux coups, j'evite de me trouver dehors par ce temps la, et j'experiment les salles obscures facon chinoise.
Tentatives infructueuses de monter dans un taxi, on ne comprend pas ce que je veux dire et ou je veux aller. Impossible de me faire comprendre. Ces echecs consecutifs contrebalancent ma victoire contre le chinois a la gare... Voila que le score revient a un partout... Quel suspence... Devant cet impasse linguistique, je deambule dans la rue, commencant a etre trempe par la pluie impitoyable qui continue de se moquer de mon infortune. Personne ne parle anglais a des kilometres a la ronde, et je marche sans vraiment trouver de solutions a mon probleme. Je suis pourtant determine, je veux aller au cinoche.

Un peu refroidi et humide, j'entre dans un magazin de GSM pour me secher et me reposer un peu. Je suis accueilli par une jeune fille qui me gratifie d'un "hello, what can I do for you?". Je saute sur l'occasion... Est-elle la seule fille de Chengdu a parler anglais?... Treve de questions, je saute sur l'occasion et lui explique mon probleme. Elle me laisse la une minute, et revient avec un petit bout de papier ou il est ecrit en chinois "emmenez-moi au cinema s'il vous plait", plus une adresse... Je suis supose le montrer au prochain taxi dans lequel je grimpe. Je la remercie, et ressort sous la pluie qui se fait un peu plus dense.
A un grand carrefour proche de la gare, un taxi est arrete, je tente le coup avec lui en lui presantant le papier magique. il est dubitatif. Un efille est assise sur le siege passager, et une autre discutte avec lui. Il lui tend le bout de papier, et elle s'adresse a moi... en anglais... je suis sauve! Le conducteur comprend enfin que je veux juste aller voir un film au ciname (!!!) et nous prenons la route, accompagne des deux filles qui profitent en fait de la course pour aller au boulot. Une conversation assez marrante debute alors, et amuse tout le monde dans le vehicule durant les 20 bonnes minutes que dure le trajet. Je tente d'improviser quelques mots en chinois afin de tester mon accent. Je precise que je suis francais, et apres cela, chaque phrqse que je prononce est ponctuee d'un "you're so romantic" et de rires... pas sur que ce soit le cas... Nous rigolons encore un peu, et me voila devant le cinema tant attendu... je paye, je descend, et je me precipite au box office pour choisir mon film. Devant la figure invariablement fermee a l'anglais de la caissiere, je saisis un programme et pointe simplement du doigt le film de mon choix (ne rigolez pas, c'etait Prince Of Persia) dont l'image sur le catalogue ne laisse presumer aucun doute. Elle gribouille alors frenetiquement quelque chose sur une feuille qu'elle me met alors sous le nez... il est ecrit 5.28... elle accompagne sont geste avec un seul mot: english... Je comprend alors avec effroi que la seule projection en anglais aura lieu dans trois jours...

Trempe et depite, je decide de regagner ma chambre d'hotel... je grimpe dans un taxi, lui tend simplement la carte de celui-ci, et me voila de retour a la case depart pour me rechauffer... Check mate...
 
Je suis a Chengdu depuis trois jours. Demain, je dois bouger, pour aller plus a l'ouest. A debut, je pensais tenter d'aller au Tibet, pour voir Lhassa et le palais du Potala. J'ai decide de ne pas y aller finalement. Les finances et le timing ne me le permettrons pas, mais ce n'est que partie remise... Je me concentre donc sur une region dont j'attend beaucoup, et qui represente peut-etre meme la vraie raison de ce voyage; le Xinjiang. Extreme ouest de la Chine, ce n'est plus vraiment la Chine. La population, chamare de musulmans d'origine turco-arabes, et de mongoles des steppes nordiques, compose la majeure partie des habitants. La langue est egalement completement differente, et le ouigur (variante du turc) est bien plus utilise que le mandarin. Pour certaines villes, on peut meme voir des panneaux bilngueschinois-arabe, parait-il! D'un point de vue demographique, ce doit etre une tres riche decouverte, et la culture est si melangee de Chine, d'Asie Centrale, de Mongolie, de Tibet et meme de Russie, que ce doit etre particulierement interessant a voir. Par ailleurs, le paysage compose d'immenses et tres hautes montagnes pelees, de deserts interminables, de lacs salins, et meme de plaines de depressions au dessous du niveau de la mer, doit etre a couper le souffle. L'une des ville de cette region, Urumqi, est meme le point le plus continental de la planete ,eloigne de plus de 2250km de tout ocean... Tout y est extreme, altitudes, climats, culture. Donc, decision: demain, un train pour Xining ou Golmud, portes ouvertes vers la region la plus difficile de Chine...
 
Le train pour Chengdu, il est 18h, le 22 mai.
J'ai change de wagon pour trouver un espace plus vivable ou reposer mes fesses. Ici, c'est un peu moins bonde. Au fur et a mesure que le train avance le long des superbes paysages de CHine, je sens des regards insistants se poser regulierement surt moi. On me guette, et quelques voyageurs plus intrepides osent meme me tourner autour pour observer ce que je fais, matter mon Ipod, ou juste avoir la chance de decouvrir un bout de mes tatouages. L'un des jeunes du wagon finit par surmonter sa timidite ou sa politesse, et engage finalement la conversation dans un anglais tres hesitant. Je ne parle pas un mot de chinois, je suis frustre. Quelques uns de ses amis le rejoignent alors, voyant que je ne suis pas un fantome, et chacun y va de sa blague incomprehensible pour moi, en chinois. Au fil des minutes, un petit groupe se forme autour de moi; quelques uns de ces mectons semblent etre un peu des "bad boys", mais cela se resume rapidement a une coupe de cheveux desordonnee, a une clope eteinte pendouillant aux levres, et a un blouson mal arrange sur leurs maigres epaules. Nous finissons par grignotter un bout et a boire une biere tous ensemble. Je ne sais pas vraiment si j'apprecie cet attroupement, mais je peux au moins pratiquer un peu de chinois basique. Ce qui est sur par contre, c'est que ca ne plait pas du tout qu representant de la police en service dans le train... Il intervient vers 22h45, et mets severement fin aux festivites, en me priant de la suivre. il me balance plein de phrases en chinois. Je ne comprend rien bien-sur, mais je ressens clairement son enervement. Je comprend egalement qu'il veut m'eloigner du groupe un peu trop jovial a son gout. Je lui fais remarquer que j'ai paye pour une place assise et que je suis dans le wagon de 3eme classe, conformement a mon billet, et que je ne faisais que parler avec de nouvelles connaissances, mais il s'obstine a me crier dessus en chinois, repetant parfois betement mes phrases en anglais pour se moquer de moi. Le fait est que dans le wagon, tout le monde sans exception parlait tres fort, consommait de l'alcool, voire meme crachait au sol... Nous ne faisions donc visiblement rien de "mal".
Malgre tout, je finis en "quarantaine", assis dans le wagon restaurant, a rediger ce petit texte a la con, et a me remettre de cette injustice, apparemment tout a fait juste pour la Chine...